Dans cette interview, nous avons le privilège de discuter avec Madame Anne Mbuguje, membre active de l'association Femmes d'Exception et une figure marquante dans le secteur bancaire. autour du rôle croissant des femmes dans la politique et le développement du pays, ainsi que sur les défis et les opportunités qui se présentent à elles. Cette conversation offre un aperçu fascinant de la dynamique changeante des genres en République Démocratique du Congo et de l'engagement des femmes à contribuer au progrès et au bien-être de leur nation.
Jonathan Bilari : Depuis l’avènement de Félix Tshisekedi au pouvoir, le nombre de femmes congolaises activement impliquées dans la prise de décision ne cesse d'augmenter en pourcentage. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
Anne Mbuguje : C'est très positif, c'est un combat que nous menons depuis longtemps, une promesse ferme faite par le chef que nous appelons le champion de la masculinité positive. Nous sommes passés à un peu moins de 30% dans le gouvernement lors du mandat précédent. J'espère atteindre 35% ce mandat-ci. À l'assemblée nationale, la représentation féminine reste encore très faible, et c'est encore pire dans les assemblées provinciales. Je reste optimiste, le chef de l’État est plus que disposé à nous aider. Il faut une application suite à notre part dosée. Il est vrai que les chefs de parti politique sont majoritairement des hommes et qu'ils pensent d'abord à eux-mêmes lorsqu'ils ont l'occasion d'attribuer des postes. Le chef de l’État nous a fait remarquer que lors du dernier mandat, le gouvernement avait pris beaucoup de temps à se former parce que les partis politiques étaient réticents à recommander des femmes.
J.B : Pourriez-vous nous parler un peu de votre regroupement ou association, Femmes d’Exception ?
A.M : Elle existe depuis 5 ans et est dirigée par Lydie Omanga, qui est également la vice-présidente de l'ARPTC et ancienne directrice de communication du chef de l’État. L'idée a été lancée il y a cinq ans par le chef de l’État et elle regroupe des femmes qui excellent dans plusieurs domaines ou secteurs. Nous avons la première bâtonnière, des procureurs, des ingénieurs, des médecins, une pilote, etc. L'idée est de rassembler les meilleures femmes qui n'ont pas peur de s'impliquer pour impulser de nouvelles lois. C'est ainsi que nous sommes devenues exceptionnelles.
J.B : Ne pensez-vous pas que c'est discriminatoire de ne pas mettre en avant des femmes qui excellent mais qui ne sont pas médiatisées ?
A.M : Je ne pense pas que ce soit discriminatoire car nous analysons les CV au conseil d'administration pour faire nos choix. Le problème ne réside pas dans la communication. Par exemple, je ne communique pas sur ma vie privée ou sur ce que je fais. Si vous regardez la plupart des membres de l'association, ce sont des femmes de terrain. La plupart des femmes de l'association ne sont pas connues.
J.B : À l'heure de la nomination du nouveau chef du gouvernement, il y a des spéculations selon lesquelles ce serait une femme provenant des Femmes d’Exception. Qu'en pensez-vous ?
A.M : Dans tous les cas, c'est une belle rumeur. Si une femme peut sortir de l'association, j'en serais ravie. Mais je ne crois pas que ce soit le cas. Si cela se produisait, ce serait une bénédiction car il y a des femmes compétentes. On ne choisit pas une femme parce qu'elle est femme, mais parce qu'elle est compétente.
J.B : Anne Mbuguje, vous avez accompli beaucoup dans le domaine de l'énergie et des mines et vous êtes philanthrope.
Avez-vous d'autres défis en tant que femme ?
A.M : Parmi les défis que j'aimerais relever dans la prochaine décennie, il y a la création d'emplois pour les jeunes, dans les PME et dans l'agriculture. Cela encouragerait les jeunes à ne pas se tourner vers les mines ou les groupes armés.
Le chef de l’État m'a promis de m'accompagner personnellement à cet égard. J'aimerais aussi être industrielle.
J.B : Ces cinq ans du quinquennat de Félix Tshisekedi semblent prometteurs. Comment comptez-vous jouer votre rôle ?
A.M : J'ai été ravie d'entendre le chef de l’État dire qu'il sera très vigilant ce mandat-ci. Venant du secteur privé, c'est l'un de mes combats. J'espère pouvoir m'impliquer dans différents projets, accompagner les jeunes dans tous les aspects de la formation éthique professionnelle et créer de l'emploi.
J.B : Vous êtes mère. Comment trouvez-vous l'équilibre entre votre rôle de mère et de femme active ?
A.M : La pression mise sur les femmes aujourd'hui est terrible. Je me suis fixé comme règle de m'organiser en tant que mère, de consacrer une journée à mes enfants, de contrôler leurs devoirs et autres, tout en étant active dans la société. L'équilibre est difficile.
J.B : La partie Est est touchée par la guerre, les victimes principales étant les femmes. Un mot pour ces femmes ?
A.M : Parmi les grandes tristesses, j'ai l'impression que les gens oublient ces femmes. On ne comprend pas ce qui se passe à l'Est. Les femmes sont violées et meurtries, et nous n'avons pas de fonds pour les soutenir. Elles ont besoin d'un accompagnement psychologique et de nombreux moyens. Les gens à Kinshasa semblent oublier ces femmes et ne mesurent pas l'ampleur de leur situation.
Alors que nous clôturons cette discussion avec Madame Anne Mbuguje, une question demeure essentielle : comment garantir une représentation significative et équitable des femmes congolaises dans toutes les sphères de décision ?
Jonathan Bilari